[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le roulis lancinant de la chevauchée avait replongé Pyeron dans les abîmes de la méditation.
Voila déjà quelques lunes qu’il avait rejoint les rangs de l’Itila Cala, fier d’offrir sa lame pour une juste cause, qu’il arpentait les territoires infestés de la terre du milieu chassant, traquant, mais surtout pourfendant, dépeçant, étripant, ravageant des champs d’ennemis, enivré de torrents de sang noir et bercé par le râle des agonisants. La griserie des combats lui avait redonné le goût du défit, de la quête, de la vie, et il s’y était jeté à corps perdu ne faisant de haltes que pour forger les outils de cette hargne.
Mais alors qu’il galopait vers de nouveaux carnages, sous un ciel embrasé, la noirceur de ses pensées vint alourdir son âme. Avait-il sa place parmi ces combattants qu’il voyait capables, de joies, de peines et d’amour, bien que valeureux. Alors que lui sentait son cœur tari, aride et froid comme du cuir de gobelin.
Il maudissait cette éternité qui lui avait fait connaître plusieurs vies, danser avec leurs jouissances et cuver leurs désillusions pour le cracher sur cette route, lisse et froid comme la lame de son épée.
Et il n’était pas prés de la perdre cette éternité car maintes fois il était tombé et maintes fois il était revenu, pantin enragé, articulé de vengeances et d’honneur.
Ils appelaient ça un « champion », lui le trucideur, un champion !!?
Toute l’ironie du terme lui fit tressauter les zygomatiques, un champion…, un boucher oui !!
Finalement, le martèlement hypnotique des sabots, aidé par un tour de volonté et un peut d’herbe à pipe avaient fini par faire le vide dans son esprit, ce qui lui valu de sursauter à l’arrivée et de faire une étrange acrobatie en descendant de cheval.
Etrangement, c’est le regard sombre et méprisant d’un nain qui lui remit du baume au cœur. Voyant sa cabriole, il avait murmuré :
« Pfff…, ces elfes faut toujours qu’y fassent pas comme les autres ! »
Il lui remémora ses récents combats aux cotés des membres nains de l’Itila Cala, et par extension tous les compagnons de quêtes d’une heure ou d’un jour ; Des troupes, aux meneurs impatients, aux duos avec de douces ménestrels réchauffant de leurs chants sa force vitale, au cœur des combats.
Finalement il n’était peut-être pas qu’une machine de guerre. Avait-il oublié tous ces habitants de la terre du milieu lui témoignant leur gratitude au retour de chaque quête ? N’avait-il pas choisi son camp ? Son âme était triste mais pas noire, et tant qu’il trouverait service à rendre, il s’y adonnerait avec voracité.
Il se sentait peut-être incapable d’aimer, mais les quelques gestes d’amitiés partagées et l’attention distante mais présente des hauts responsables de la confrérie lui suffiraient pour continuer dans sa cause !!
…du moins avait-il trouvé prétexte honorable à sa soif de sang…